12 juin 2014

Le territoire et nous 3e partie : Un regard à transformer

En page couverture : Scène d’hiver dans les Laurentides, Cornelius David Krieghoff (1815-1872, Pays-Bas)



Groupe de théologie contextuelle québécoise (GTCQ) 
Juin 2014            


Sommaire


Introduction                                                                                                

I. Impasse et racines du rapport actuel au territoire                                        
1. La non viabilité sociale et écologique du rapport actuel au territoire     
2. Comment une telle vision peut-elle continuer à s’imposer?                   

II. Visions alternatives du territoire                                                             
1. Vers une vision différente du rapport à la nature …                              
2.  … et une autre vision de notre rapport au territoire                              
3. L’émergence de pratiques alternatives                                                      

III. Refaire alliance                                                                                       
1. Une Alliance toujours à refaire                                                                     
2. L’incarnation comme accomplissement de l’Alliance                           
3. Une Alliance porteuse d’espérance                                                         
4. Quelques pistes d’orientation                                                                 

 (Pour obtenir le texte complète en PDF,  allez ici.


Le territoire et nous 3.
Un regard à transformer


Depuis les origines, le territoire a nourri, provoqué et enchanté l’imaginaire québécois. Célébré par les poètes, aménagé par les bâtisseurs du pays, admiré par les voyageurs d’ici et d’ailleurs, il se débat aujourd’hui devant les assauts et les déséquilibres qu’on lui fait subir. Une distance et même une rupture risque de se créer entre le territoire et nous. Le regard que nous portons sur lui est brouillé, teinté de convoitise chez les uns, embué d’inquiétude pour les autres.
Dans les pages qui suivent, nous espérons contribuer à clarifier ce regard en vue de redresser notre rapport au territoire. Nos propos  s’inscrivent dans la foulée de la réflexion entreprise par le Groupe de théologie contextuelle québécoise (GTCQ) en ce qui a trait à la mise en valeur des ressources non-renouvelables du sous-sol québécois. Deux textes ont été produits à ce jour, l’un donnant une vue d’ensemble des problèmes de divers ordres soulevés par quelques situations litigieuses typiques, et l’autre faisant état des positions bien concrètes en présence ainsi que des visions ou logiques paraissant sous-tendre ces positions.[NdE: Regard dans les archives: Mars 2012 et Mars 2013]
En supposant connue la teneur de ces deux textes[1], nous poursuivrons en abordant cette fois ce qu’on pourrait appeler une théologie contextuelle du territoire. Nous procéderons en trois moments. Nous nous attarderons, en premier lieu, sur ce qui fait problème dans la vision du rapport au territoire qui prévaut aujourd’hui.  Suivra ensuite un aperçu de la richesse des visions alternatives du rapport au territoire qui, pour être minoritaires, n’en sont pas moins présentes aussi sur le terrain. On ne devra pas se surprendre que ces deux réflexions initiales fassent partie intégrante de la démarche théologique. En effet, en théologie contextuelle, l’analyse des situations et des enjeux en cause permet de mieux cerner les «signes des temps» : au même titre que l’expérience biblique et la tradition, ils constituent eux aussi un lieu d’où Dieu nous parle et interpelle.
Enfin, nous essayerons de discerner plus explicitement la logique ou le point de vue d’un Dieu qui s’est engagé avec l’humanité en prenant chair d’abord dans un territoire spécifique au Moyen Orient. Nous chercherons ainsi le filon théologique qui pourrait nous inspirer et nous guider. Tout le sens de cet effort n’est-il pas de tenter de regagner un point de vue à partir duquel nous pourrions remettre en cause la «normalisation» en cours de l’inhumanité, tant au plan social qu’environnemental, et ainsi entrevoir un autre rapport possible au territoire à traduire en projet de société?
    



[1] Respectivement, Le territoire et nous, 15 mars 2012, 5 p. et Le territoire et nous 2. Des visions divergentes du rapport au territoire, 21 février 2013, 10 p. (www.gtcq.blogspot.com).




L´ Île c´est comme Chartres, c´est haut et propre
Avec des nefs
, avec des arcs, des corridors et des falaises
.

Imaginons

L´Île d´Orléans, un dépotoir, un cimetière,
Parcs à vidanges
, boîte à déchets, U. S. parkings.
On veut la mettre
en mini-jupe and speak English.
Faire ça à elle
, l´Île d´Orléans, notre fleur de lys…   

(Félix Leclerc, Le tour de l’Île, 1975) 





I. Impasse et racines du rapport actuel au territoire

Nous croyons que la vision prédominante actuelle du rapport au territoire mène à une impasse. Cette conclusion s’est imposée à nous d’abord à partir de la découverte du caractère socialement et écologiquement non viable de cette vision[1]. Nous avons ensuite cru nécessaire d’explorer les racines idéologiques d’un tel rapport pour comprendre le  paradoxe de la persistance de ce modèle malgré l’évidence de ses effets destructeurs.

1. La non viabilité sociale et écologique du rapport actuel au territoire

Il ne nous paraît plus possible de dissocier le rapport à l’environnement et les rapports sociaux au sein de ce que nous appelons le territoire. «Ce que nous faisons à la nature, c’est à nous-mêmes que nous le faisons», affirme David Suzuki[2]. «Et vice versa», pourrions-nous ajouter.  Les sciences modernes de la nature confirment que le bien-être des humains dépend radicalement de celui de toute la biosphère, cette communauté du vivant dans laquelle chaque population trouve son ancrage à travers son territoire particulier. Or, l’analyse de l’exploitation des ressources non-renouvelables au Québec nous a révélé un cas hautement illustratif de la généralisation d’un rapport au territoire manifestement suicidaire aux plans écologique et social. Pour comprendre ce qui fait problème ici, nous suivrons la piste de l’économie, à sa jointure avec l’écologie. Et plus particulièrement celle du capitalisme néolibéral auquel il faudrait mettre fin, à commencer par sa façon de voir le territoire. «Là se trouve l’essentiel», «le cœur du problème», selon de grands écologistes eux-mêmes[3].

Une économie qui asphyxie le territoire comme habitat naturel

La «science» économique est la seule discipline qui n’a pas évolué depuis le XVIIIe siècle. S’en tenant encore à une vision mécaniciste du monde à la Newton, elle n’a aucunement intégré les découvertes de sciences comme  la physique, la chimie ou la biologie, par exemple[4]. Le capitalisme moderne a conçu une économie «désencastrée» de toute emprise des liens sociaux et naturels pour se constituer en domaine autonome avec ses règles propres, elles-mêmes en rupture avec celles des économies du passé basées sur la réciprocité.

Cette supposée science se représente ainsi l’économie comme un flux clos sur lui-même de production et de consommation de biens et de services. Les coûts et les prix, par exemple, ne prennent pas en compte la contribution de composantes naturelles et sociales du territoire dont l’économie a pourtant besoin,  ou encore  les dommages causés à l’environnement et à la santé des humains. Ces données dites extérieures n’importent pas. Voilà pourquoi des compagnies minières refusent  de payer pour des infrastructures fournies, de participer aux frais de restauration des sites exploités, ou encore essaient de se soustraire aux normes environnementales. Toujours selon cette «science», un déversement pétrolier, un accident routier, l’écroulement d’un édifice ou encore des pertes de vie créent de la richesse, car ils font augmenter le PNB par les dépenses engendrées et le flux d’argent mis en circulation[5]. Aberrant!


Les sciences de la nature ont pourtant démontré que toute activité économique reste toujours interne à la biosphère. En 1965, l’économiste Kenneth Boulding, proposa de se représenter la terre comme un vaisseau spatial où l’activité économique était limitée à ce qui était disponible à bord, sans possibilité de rejeter des déchets ou résidus au dehors de l’écosystème. Ceux-ci devaient donc être recyclés. Ce vaisseau n’est ouvert vers l’extérieur que pour le flot d’énergie reçu de la lumière solaire et celui de la radiation d’énergie qu’il retourne dans l’espace. Le premier est vital pour la vie sur terre. Le second, issu en partie de ce qui a été stocké sur des millions d’années à partir de la lumière solaire, sous forme de gaz naturel, de pétrole et de charbon (nos seules réserves pour l’entretien de la vie[6]), peut être fatal s’il surcharge notre atmosphère en affectant par exemple la couche d’ozone[7].

Alors, bien qu’évoluant dans un environnement très limité et fragile[8], l’économie capitaliste se comporte comme si la nature n’était qu’un sous-ensemble d’elle-même et comme si la terre nous appartenait de façon absolue alors que la réalité est plutôt inverse, ou du moins à concevoir selon des rapports d’interdépendance et de réciprocité[9]. Malgré donc ces limites, l’économie ultralibérale reste aveugle aux points de rupture des interrelations vitales; elle ne carbure qu’à la cupidité et à la croissance illimitée comme unique solution à tous les problèmes[10], et cela, sans «valve» de sécurité! Ne serait-ce qu’au plan des changements climatiques, le dernier rapport du GIEC (2014) a bien souligné leurs multiples et néfastes impacts sur le territoire, attribuables surtout à une économie axée sur une combustion accrue des énergies fossiles : dégel du pergélisol, montée du niveau des mers, événements météorologiques dévastateurs (inondations, sécheresses…), migrations, détérioration des ressources alimentaires (agriculture, pêches…) et des eaux, etc.[11] Une telle économie ne peut être écologiquement viable. Voilà pourquoi, comme  le disait Walter Benjamin, la révolution pourrait bien consister, aujourd’hui,  à serrer le frein d’urgence[12]. Autrement dit, forcer l’économie à devenir compatible avec son monde.

Une économie qui exténue le territoire comme foyer autonome de solidarité sociale

Mise à part cette ignorance du tableau d’ensemble écologique, ce comportement aberrant remonte aussi à une autre source historique qui affecte plus  particulièrement et de façon directe l’autre composante du territoire : les humains et les liens sociaux. La mondialisation néolibérale a réussi par de nouvelles voies à ressusciter une vision du monde datant des «découvertes» et de l’époque coloniale. On s’imaginait alors ce «nouveau monde» comme indifférencié et vide. Il apparaissait seulement comme un vaste bassin de ressources à exploiter. Y rencontrait-on des populations, celles-ci étaient soit éliminées («ces êtres avaient-ils une âme?»), soit refoulées dans des «réserves», soit asservies, comme ressources elles aussi,  aux projets de colonisateurs à la fois assoiffés de richesses («châteaux en Espagne») et imbus d’un sentiment de supériorité. L’organisation locale existante du territoire était démantelée pour être reconfigurée en fonction des intérêts étrangers. Ainsi les voies de transport  qui furent installées en Afrique de l’Ouest  étaient toutes orientées vers les ports côtiers en vue des exportations, et au détriment des circuits intérieurs, garants de la sécurité alimentaire par exemple. Le mode d’occupation et d’utilisation locale du territoire fut partout bouleversé pour faire place aux droits de «propriété» des colonisateurs. Ces droits étaient fondés, selon le philosophe et négrier John Locke, sur la seule capacité de mettre le territoire en valeur, marchande évidemment. La légitimité des «claims» actuels, qui compromettent d’autres formes de valorisation du territoire, tient de là sa source.

De nos jours, le monde économiquement globalisé apparaît aux investisseurs internationaux comme un vaste espace planétaire uniformisé ou «dé-territorialisé», constitué soit de ressources naturelles et humaines à exploiter au plus bas coût possible, soit de marchés à «conquérir». En somme, un espace néocolonial à «re-territorialiser» à leur façon. Plus encore, avec la financiarisation de l’économie, tout n’apparaît que comme des actifs financiers à faire fructifier par des rendements maximaux à court terme. En dehors de ce rapport à l’argent, le reste, même l’économie réelle, les biens, les personnes et les territoires impliqués, tout cela devient abstrait et perd sa spécificité propre. Pour les actionnaires ou leurs courtiers prenant des décisions à des milliers de kilomètres d’ici à propos des investissements miniers au Québec, le sort du territoire ou des populations concernées indiffère autant sinon plus que les Autochtones du temps de la colonisation.
Ces investisseurs savent que les dirigeants d’entreprises, soumis à leurs pressions de même qu’à celle de la concurrence, ou encore partie prenante des mêmes intérêts, sauront à leur tour faire  pression sur les États, sur les gouvernements locaux et sur les populations pour en obtenir toutes les concessions possibles :  faibles redevances, services, subventions, fiscalité de faveur, allègements d’obligations environnementales, main-d’œuvre la moins coûteuse possible, et même des compensations financières en cas de changement de politique ou de simple moratoire[13], etc. Et tout cela en contrepartie d’indispensables emplois et  revenus gouvernementaux, de même que d’une éventuelle et temporaire survie des régions concernées.

Ainsi contraints, les rapports sociaux ne peuvent donc plus être organisés sur une base locale stable dans une économie de réciprocité où les secteurs seraient en relation synergétique ou complémentaire entre eux, mais leur logique propre éclate. Ces réalités locales sont réorganisées dans une permanente dépendance d’intérêts extérieurs. Le territoire est donc pris en otage pour être continûment «rançonné» comme prix de sa survie. Il y a là une déperdition très grave, inséparablement sociale, politique et environnementale. Les problèmes sociaux et de santé des «réserves» autochtones nous renvoient comme en miroir les effets à long terme d’une telle dépendance.  La «conquête» de ces mêmes Premières Nations et de leurs territoires par les investisseurs continue d’ailleurs aujourd’hui.  Et nous connaissons à notre tour le même sort. L’économie du Far West prévaut toujours sur celle du «vaisseau spatial». Aussi peut-on conclure que, tout comme pour l’environnement, ce type d’économie nous conduit dans une impasse, qu’il est socialement non viable, et rend, à tous égards, notre territoire de plus en plus difficile à «habiter».



2. Comment une telle vision du rapport au territoire peut-elle continuer à s’imposer?

Comment se fait-il que le modèle de rapport au territoire que nous venons d’évoquer réussisse paradoxalement non seulement à se perpétuer malgré les ravages qu’il provoque, mais à passer pour le seul et meilleur possible, et donc à paraître aller de soi? Par-delà les contraintes du système économique et politique comme tel, durci en ordre établi, il faut aussi évoquer son emprise idéologique qui lui permet de peser sur les libertés comme de l’intérieur, et ainsi de cadrer les débats. Cette emprise s’appuie sur deux types d’assises fort méconnues : d’une part, un ensemble inédit de conceptions de l’être humain, de la société, de l’éthique et même de Dieu, datant du XVIIIe siècle, et source d’arguments au besoin; et, d’autre part, un fonctionnement à la manière d’une «religion» de type fondamentaliste et à caractère idolâtrique et sacrificiel, ce qui ne peut que «passer sous le radar» dans les sociétés séculières.

La construction renversante des bases anthropologiques, éthiques et même théologiques de la vision capitaliste
Résumons ici la première assise. À l’aube de la modernité, divers penseurs européens vont faire coïncider l’émergence du capitalisme avec le renversement de la consigne augustinienne millénaire du décentrement de soi  vers l’amour de Dieu, comme fondement du monde, et vers l’amour du prochain. On cherche alors à contrer les passions religieuses et politiques qui ensanglantent et dévastent le Vieux continent. À ce problème du vivre-ensemble, on proposera diverses solutions dont celle du contrat social basé sur la convergence des volontés libres et responsables. Mais c’est une autre proposition qui prévaudra. Au lieu de continuer de fonder l’éthique et la société sur ce que l’être humain doit être, ce qui s’est avéré un échec, ne fallait-il pas plutôt les fonder sur ce qu’il est? Selon cet «état de nature», l’humain est alors conçu comme un incorrigible individualiste, comme égoïste, cupide et envieux, sans inclination communautaire et même agressif («un loup pour l’homme» selon Hobbes). Le remède consistera alors à canaliser les passions socialement destructrices par une autre passion : l’amour de soi sous forme de l’intérêt économique comme fondement d’un possible arrangement du monde.

Ainsi, comme les individus sont prétendument des êtres asociaux, ils ne peuvent être mis en société que par un mécanisme extérieur, supposé pré-ordonné et apte à faire converger automatiquement – comme par une «main invisible» – les intérêts de chacun dictés d’abord par l’«amour propre»[14].  De cette façon, il en résulterait plus de richesses et donc moins de rareté, moins de violence issue de celle-ci, et ainsi un bien-être général. «Peace through trade», dira plus tard Roosevelt. On aura reconnu ici le mécanisme du marché et ses lois liées à la compétition. La société ne devient ainsi possible que comme marché[15], et l’égoïsme est consacré comme la forme la plus haute de l’altruisme! Les conduites asociales des acteurs économiques se voient justifiées a priori car jugées automatiquement bienfaisantes pour l’humanité.

Cette «trouvaille» prend aussi une couleur théologique. Adam Smith assimile explicitement la «Main invisible» du marché à la divine Providence qui, au  Moyen Âge, avait su produire un ordre (féodal) optimal à partir des différences et des inégalités sociales. Plus largement, le « laisser-faire » économique sera compris comme un laisser se réaliser le plan divin caché selon une religion maintenant immanente et naturelle et non plus transcendante[16], un plan par lequel Dieu peut faire procéder le bien du mal produit par les humains. Voilà le socle anthropologique, dispensé de toute éthique et doté d’un alibi théologique, sur lequel s’édifiera le capitalisme.
L’économie néolibérale comme «religion»
Mais il y a autre chose encore. En se réclamant historiquement de la conception singulière du Dieu des chrétiens et de son projet présentée ici, le système capitaliste émergent s’est vu attribuer une aura sacrée, et de même pour ses lois, ses mécanismes et  ses pratiques. Là réside une deuxième assise de l’autojustification du capitalisme néolibéral : son profil et son fonctionnement à la façon d’une «religion». Voyons de plus près.
La sacralisation du marché et de la compétition sans frein se réalise aujourd’hui selon trois procédés. On hisse d’abord cette façon particulière de faire l’économie au statut d’état de nature de celle-ci. Naturalisation donc du capitalisme. Par ailleurs, a-t-on remarqué le phénomène idéologique de personnalisation des entreprises auxquelles on prête des «droits» et des actions propres aux personnes : elles «reluquent» des actifs concurrents et «avalent» d’autres entreprises; elles se battent, conquièrent des marchés, etc. De même, la publicité associe des produits à des personnages connus ou vedettes, à des désirs, au bonheur, etc. Enfin, dernier degré, on surnaturalise le marché dit «autorégulateur», davantage capable de guider les sociétés que les desseins et interventions des humains, et donc omniscient. Le système capitaliste lui-même est d’ailleurs présenté comme la «fin de l’histoire», ou la forme ultime et indépassable de l’économie.  Aussi, peut-on comprendre que le marché et ses lois apparaissent comme tout-puissants, invincibles, et comme une sorte de fatalité à laquelle il vaudrait mieux se soumettre. Paradoxal pour un système dit «libre»!
On peut penser que le mantra actuel de la plupart des gouvernements devant les exigences du néolibéralisme – le fameux «on n’a pas le choix» – doit quelque chose à une telle sacralisation à laquelle même les entreprises les plus consciencieuses ne semblent pouvoir échapper. Cette absolutisation du marché, de ses visées et de ses règles entraîne inévitablement une relativisation ou le sacrifice de tout le reste. C’est à ce pôle perdant d’un tel rapport que sont promis les bas salariés et leurs conditions de travail, les politiques sociales, l’environnement, la démocratie, la souveraineté ou autres, qui doivent être «flexibilisés» sans fin pour permettre une plus grande compétitivité. Et au dernier rang des «sacrifiés», on retrouve les personnes et les groupes, tels les Autochtones, qui sont considérés comme «inutiles» au processus de valorisation du Capital,  et qu’on peut en conséquence ignorer.
Cette dynamique insolente, insensible et irresponsable ne peut être plus clairement exprimée que dans la définition de la mondialisation donnée par M. Percy Barnevick, président du groupe industriel helvético-suédois ABB : «[…] c’est la liberté pour mon groupe d’investir où il veut, le temps qu’il veut, pour produire ce qu’il veut, en s’approvisionnant et en vendant où il veut, et en ayant à supporter le moins de contraintes possibles en matière de droit du travail et de conventions sociales [17]». Que penser d’une telle liberté qui enchaîne? Que peut-il alors rester de l’intégrité et de la viabilité de tout territoire soumis à une telle vision? Le crime est parfait, car il coïncide exactement avec  la légalité ou les règles qui ont réussi à s’imposer, dont celle du laisser faire absolu! Parvenu à ce point d’enfermement dans son strict et unique point de vue, pouvons-nous vraiment espérer que le système se «convertisse» de lui-même?  Nos luttes à la fois politiques et idéologiques pour un autre rapport au territoire prennent ici tout leur sens et toute leur nécessité.
La fausse sacralisation de la vision décrite ici, avec son corollaire obligé de sacrifices humains et écologiques ne fait-il pas du capitalisme néolibéral une «religion» perverse dans la mesure même où celui-ci se fait inflexible même devant la vie menacée? Une vision si insidieuse, avec son discours ou «théologie» à l’avenant, provoque directement notre foi et sa capacité de se donner une théologie qui barre la route à toute légitimation d’une telle manière non viable d’aménager le territoire. Une foi et une théologie qui seraient capables aussi d’une autre vision du monde et du rapport au  territoire en particulier. Ce sont de tels défis qui feront l’objet des deux prochaines sections.


Ce n'est pas seulement l'homme qu'il faut libérer, c'est toute la terre. [...] 
La maîtrise de la terre et des forces de la terre, c'est un rêve bourgeois
chez les tenants des sociétés nouvelles. […]
Ce champ n'est à personne. Je ne veux pas de ce champ;
je veux vivre avec ce champ et que ce champ vive avec moi,
qu'il jouisse sous le vent et le soleil et la pluie,
et que nous soyons en accord.       
(Jean Giono, Le Voyage en Italie, Gallimard, 1953)

II. Visions alternatives du territoire
Étant donné les impasses dans lesquelles nous enferme la présente logique de domestication destructrice de la nature et du territoire, il devient urgent de recourir à une vision différente pour inspirer des politiques et des pratiques plus responsables.  Des visions alternatives et des initiatives prophétiques disputent déjà le terrain à la perspective dominante présentée plus haut. Elles constituent, d’un point de vue théologique, un «signe des temps» où agit et nous interpelle l’Esprit du Ressuscité. Voici donc un aperçu de ces nouveaux regards touchant notre rapport à la nature en général puis au territoire comme tel.
1. Vers une vision différente du rapport à la nature …
Selon la vision traditionnelle des nations autochtones, les humains vivent dans un rapport de communion, d’interdépendance et de protection avec la nature nourricière, appelée «Terre Mère» ou «Pacha Mama », considérée comme symbole de la maternité divine. La vision de ces cultures traditionnelles met l’accent sur notre gratitude à l’égard de la nature, source de vie pour les humains, et sur notre devoir de la traiter avec respect dans l’harmonie d’un «Buen vivir». Elle implique un lien d’appartenance et d’intégration à la nature, à l’opposé d’un rapport purement extérieur qui ferait de celle-ci un objet séparé de nous, simple bassin de ressources utilisables à notre guise ou décor dans lequel se déroulent nos existences.


Cette vision parfois dite primitive converge avec les données de la science moderne. L’évolution des espèces, l’astrophysique ou la physique quantique tiennent un discours semblable sur le profond ancrage de l’humain dans ses origines cosmiques, animales et micro-cellulaires. L’affirmation de l’«exception humaine» dans l’ensemble de l’univers se trouve ainsi questionnée.

La vision de la nature comme intrinsèquement reliée à l’humain laisse entendre une communauté de destin entre l’une et l’autre. Comme l’affirme David Suzuki, cité plus haut, la violence que les humains font subir à la nature finit par les atteindre eux-mêmes. Il n’y a qu’à penser par exemple au réchauffement climatique ou à l’impact catastrophique de la décimation de la population mondiale des abeilles sur la pollinisation des espèces végétales.

C’est une intuition semblable qui inspire depuis quelques décennies les milieux préoccupés par les défis écologiques. On peut penser à l’éco-féminisme, à la défense des droits des animaux, à l’économie verte, au développement durable, ou à l’hypothèse Gaia. Dans tous ces cas, on cherche à redéfinir la relation de l’humain à l’univers dans le sens d’une intégration ou d’une interdépendance plutôt que d’un rapport sujet-objet. 
[18]. Tout en maintenant la responsabilité spécifique de l’humain comme gardien de la création, on met davantage en lumière, dans l’exégèse biblique et la théologie récentes, l’affirmation que toutes les créatures ont leur origine dans un même amour créateur comme fondement de la solidarité entre toutes les composantes de l’univers. La nature et le genre humain participent d’une même histoire cosmique, de la même évolution biologique. Partie prenante de la nature, le genre humain est convié à la traiter avec le même soin et le même amour que Dieu lui porte.
Dans une perspective semblable, la pensée chrétienne a entrepris une réinterprétation des rapports entre les humains et l’ensemble de la création, notamment à travers une relecture du récit de la Genèse qui a servi longtemps à légitimer la domination de l’humain sur le reste de l’univers : « remplissez la terre et dominez-là » 
2.  … et une autre vision de notre rapport au territoire 
   
Ce qui est vrai de notre rapport à la nature universelle se vérifie également dans notre manière de nous situer en lien avec un territoire spécifique. « J’ai pour matrie la terre, et Kébek est mon point d’attache à la matrie terrestre»[19].  L’interdépendance entre nous et l’univers devrait donc entraîner des conséquences pratiques dans notre façon de voir et d’habiter un territoire particulier. Voyons quelques exemples de cette dynamique de réciprocité, telle qu’elle peut s’exercer dans la perspective de deux visions alternatives du rapport au territoire.
 
Ce défi ne pourra être relevé sans une transformation des mentalités et des pratiques tellement profonde qu’on se trouve en réalité devant la nécessité d’une véritable mutation sociale, culturelle, politique et économique. La domination arrogante doit faire place à un amour profond pour la nature et le territoire, marqué par la reconnaissance et le respect. Il s’agit ni plus ni moins de remettre à l’endroit un monde à l’envers, ce qui impliquera pour le commun des mortels de renoncer à plein d’habitudes acquises, de privilèges normalisés, de paresses intellectuelles, de complaisances faciles, dans la ferme et joyeuse conviction que nous vivrons mieux, ainsi libérés.
 Territoire et identité

Il y a d’abord la conception du territoire comme « lieu de l’homme », selon la belle expression de Fernand Dumont. L’espace naturel est physique, le territoire est espace humanisé. À la différence de la nature comme telle, qui est donnée, le territoire habité est en grande partie construit. Celui-ci conserve la trace des générations qui se sont succédé dans cette œuvre d’aménagement, il incarne dans la nature l’histoire collective, la culture et les valeurs des humains qui y ont bâti maison.

Il est tout aussi vrai que les groupes humains sont eux-mêmes façonnés par l’environnement dans lequel ils évoluent. Les habitants de Charlevoix ou du Bas-du-Fleuve ont des traits culturels différents, tout comme ceux d’Outremont ou de la Petite Patrie à Montréal. «Le pays, c’est viscéral ! C’est toutes ces petites choses qui s’imprègnent en toi, le petit patelin qui t’a vu t’épanouir végétativement, dans ta prime jeunesse. C’est une signature indélébile! »[20]. Il existe un lien indissociable du territoire avec les humains qui le partagent, si bien que le sentiment d’appartenance à un peuple est largement conditionné par la connexion vitale qu’on établit avec le territoire : son climat, sa géographie, son histoire, ses lieux symboliques.<
Si tel est le cas, porter atteinte au territoire en le saccageant ou en le dépouillant de ses traits distinctifs compromet du même coup l’identité d’un peuple. Pensons à ce qui nous arriverait comme communauté culturelle distincte si la vallée du Saint-Laurent se couvrait de puits de forage gaziers ou si l’architecture de nos villes et villages perdait toute personnalité. Pourrions-nous encore nous reconnaître dans des enfilades de centres d’achat, de murs de béton ou de façades sans âme ? Que resterait-il de nous, pour reprendre le titre d’un beau film sur la déculturation au Tibet ?
À l’inverse, n’y aurait-il pas une connexion entre l’effacement de notre mémoire historique et une certaine désaffection par rapport au territoire comme milieu vital dont nous faisons partie.? Faute d’enracinement profond dans notre histoire comme terreau culturel et spirituel, comment pourrions-nous entretenir un lien vital avec notre territoire ? Celui-ci demeurerait en effet indéchiffrable et anonyme sans une attention à l’empreinte des générations qui en ont fait pour nous un espace humain aux couleurs et à la saveur uniques.
Ces questions sont rendues fort complexes en ces temps de mondialisation, de déplacements de populations, de mobilité des personnes, de cyberespace et de mentalité technoscientifique. Les populations nationales sont de plus en plus métissées, cosmopolites. Les gens qui vivent sur un même territoire ont en même temps de multiples contacts avec l’ailleurs. Ils ne partagent collectivement ni les mêmes références religieuses ou philosophiques, ni les mêmes origines culturelles. Dans ces conditions, la tâche de construire un imaginaire social et une identité spécifiques sur un territoire donné constitue un défi politique considérable[21].

Territoire et altérité 

Mère patrie pour celles et ceux qui y sont nés, terre d’accueil pour les autres qui sont venus d’ailleurs, le territoire se découpe au fil du temps en régions qui forment autant de «pays»[22] aux couleurs différentes. Dans cette configuration d’identités variées, le territoire demeure le liant global[23] des multiples groupes, communautés ou nations qui y vivent, en dépendent, et partagent la responsabilité de continuer à le construire et à l’imprégner de leur imaginaire. En ce sens, il est médiateur de la relation à l’autre, relation appelée à s’épanouir dans un vivre ensemble à travers le partage de la responsabilité commune qui nous lie tous et toutes à un même territoire comme parcelle de la «maison» planétaire.
Cette relation peut devenir conflictuelle, par exemple lorsque le territoire se fragmente en entités culturelles et politiques dont les droits respectifs sont difficiles à concilier, comme entre les Premières Nations du Canada et les occupants colonisateurs. Ou si elle se définit trop étroitement en fonction de frontières géopolitiques au lieu de s’ouvrir à une solidarité transfrontalière. Ou encore par l’effet d’une posture de propriétaire jaloux de son bien. La pratique des claims miniers en donne un exemple flagrant. En cédant aux compagnies minières un droit de propriété absolu sur le sous-sol qu’elles ont «réclamé» pour des sommes ridicules, cette pratique légale entre directement en conflit avec la maîtrise responsable de communautés, municipalités ou Nations qui occupent la surface de ce sous-sol. On peut aussi penser à l’effet que peuvent avoir le déboisement ou la construction de barrages hydro-électriques sur le mode de vie des Premières Nations. Jugés indispensables à l’ambition ou même au simple bien-être économique des uns, de tels projets sèment souvent la mort pour les autres. En définitive, ils compromettent le vivre ensemble lorsqu’ils sont réalisés sans partenariat authentique entre les parties concernées.
En fin de compte, notre rapport à la nature et au territoire souffre actuellement de la même crise que notre lien social et son enracinement historique : nous sommes en carence de mémoire, d’appartenance et de convivialité, que ce soit dans nos relations entre nous ou avec notre milieu de vie. Il devient urgent de nous réconcilier avec nos origines biophysiques, culturelles et spirituelles, en même temps que d’imprégner davantage nos relations sociales de compassion, de fraternité et de solidarité concrète.  
 
3. L’émergence de pratiques alternatives  
Malgré une dissociation néfaste entre les humains et la nature, celle-ci s’impose comme par la porte d’en arrière. L’urgence de développer des pratiques écologiques pour l’avenir de la vie sur terre remet radicalement en question nos façons de faire et de vivre. Dans sa grande diversité et malgré les conflits qui la déchirent, la mosaïque politique et culturelle des territoires nationaux fait désormais face à un défi commun : demeurer un lieu habitable pour les humains devant la menace d’une destruction massive.
 
Pour ne pas sombrer dans une anxiété stérile, on peut tout de même rappeler des exemples encourageants, si limités soient-ils, d’un rapport de solidarité responsable avec ces territoires québécois qui sont notre milieu de vie.
Pensons aux efforts pour promouvoir des sources alternatives d’énergie, aux mesures pour protéger la biodiversité dans des aires naturelles, à la valorisation des paysages typiques de chaque région, à la défense de la qualité de vie contre l’intrusion brutale de projets miniers ou de grands axes routiers, à la volonté de mieux gérer la multiplication des champs d’éoliennes, comme en Gaspésie ou sur la Côte Nord. Pensons aussi aux nombreux mouvements de résistance qui ont fait front commun contre le projet de pipeline d’Enbridge, le déboisement de la forêt boréale, le Plan Nord à la manière Charest, le harnachement des grandes rivières sauvages comme la Romaine, ou encore contre l’abandon des sites miniers par les compagnies extractives. En milieu urbain, des quartiers font l’objet de projets de restauration pour en conserver la qualité culturelle et assurer qu’ils puissent demeurer des lieux de vie sains et conviviaux. Le quartier St-Roch à Québec ou le Plateau Mont-Royal à Montréal en sont des exemples bien connus, malgré tous les effets pervers cependant causés par la gentrification. Il y aussi l’engouement pour les jardins communautaires, l’aménagement paysager, l’agriculture écologique, les centres de nature, l’écotourisme, etc. 

Il existe une convergence évidente entre ces luttes et ces initiatives, de par leur visée commune aussi bien qu’à travers leur dénonciation du capitalisme néolibéral. On gagnerait à affermir cette convergence par tous les moyens, notamment celui des nouveaux médias sociaux, afin de transformer ces courants de vie en un mouvement de plus en plus irrésistible. C’est sans doute une condition nécessaire pour la consolidation et l’expansion de pratiques porteuses d’un meilleur avenir.
 

Il rendra justice aux plus faibles,
Il tranchera dans l’équité pour les courbés de la terre.
Le loup habitera avec l’agneau,
le léopard et le chevreau dans la même tanière.
Plus de méfaits, plus de ravages dans toute ma montagne sainte
la connaissance du Seigneur remplira la terre,
comme la mer est comblée par les eaux.        
(Isaïe 11, 1-9)


III. Refaire alliance
Dans la première partie de la présente réflexion, nous avons porté attention au phénomène  de « dé-liaison », de dissociation et même de conflit entre l’humain et la nature, traitée comme un objet extérieur ou un simple environnement utilisable et exploitable à volonté. Il nous a semblé que cette dissociation n’était pas étrangère à la rupture du lien social : en oubliant notre interdépendance avec cet univers dont nous faisons partie, et plus particulièrement avec le territoire où nous plongeons nos racines, n’aurions-nous pas perdu quelque chose de ce qui nous est commun et  nécessaire pour vivre ensemble ?    
Cela commence par un choix de vision. C’est pourquoi nous en avons fait l’angle privilégié   prédominant, nous avons  voulu repérer les visions alternatives en émergence, notamment la prise de conscience d’une communauté de destin entre le territoire et nous : la manière dont nous le traitons rejaillit sur ce qui nous arrive en tant qu’humains, sur le plan de notre identité collective comme de notre rapport à l’autre. 




  Ne peut-on penser par conséquent que la    « re-liaison » des humains entre eux passera par leur réconciliation avec la nature sur ce territoire ? Dans ce troisième volet, nous proposerons une lecture théologique de cette interaction entre les humains et leur territoire. Il nous apparaît en effet pertinent de proposer quelques éléments de réflexion dans cette perspective. Il s’agit de situer la question du territoire sur un horizon de sens humain et spirituel étroitement lié aux enjeux économiques, sociologiques ou géopolitiques déjà abordés. Nous le faisons ici à partir de notre foi chrétienne, conscients du besoin d’enrichir cette réflexion en dialogue avec d’autres traditions spirituelles dont nous souhaitons vivement la contribution. Notre approche sera celle de la théologie contextuelle, prenant appui sur l’analyse qui précède pour y discerner des traces du projet de Dieu à l’œuvre dans l’histoire qui se fait.  
Cette analyse nous a permis d’identifier la dissociation des humains entre eux et avec leur territoire comme une racine majeure des impasses écologiques et sociales où nous nous trouvons. C’est pourquoi il nous apparaît que le thème fondamental de l’Alliance peut apporter un éclairage théologique précieux. Toute l’histoire de la révélation judéo-chrétienne est marquée par un projet de recomposition des liens de réciprocité entre Dieu, les humains et la création. Nous allons aborder cet élément de notre tradition du point de vue de l’expérience historique d’Israël, en nous arrêtant à l’approfondissement que Jésus y a apporté : avec lui, l’établissement d’une « nouvelle Alliance », en continuité avec l’ancienne mais recentrée sur une solidarité privilégiée avec les plus vulnérables, ouvrait la possibilité d’une inclusion de tous les humains dans un monde transformé qu’il appelait le Royaume. 


1. Une Alliance toujours à refaire



Le visage de Dieu révélé dans la tradition biblique est étonnant. Déjà les récits de la création le présentent comme plein de tendresse envers les humains et l’ensemble de l’univers,  lequel est vu comme l’expression de sa Parole. La création tient ensemble par le lien du Verbe, de cette Parole que la tradition chrétienne identifie au Christ. On se trouve ainsi dès l’origine dans un climat de connivence et de conversation entre le Créateur et l’humanité, à qui la terre est confiée comme le don gratuit d’un jardin à cultiver. Le rapport à Dieu et entre les humains apparaît indissociable de l’harmonie créée entre toutes les créatures auxquelles Adam est chargé de donner un nom et devant lesquelles Dieu lui-même s’émerveille : « Il vit que cela était bon ». 
 
Ce Dieu créateur se manifeste ensuite comme libérateur, allié des humains et particulièrement des opprimés dans leur quête de paix et de justice, à travers le cheminement d’Israël depuis l’Exode jusqu’à la venue de Jésus. Cette révélation a pris des formes diverses, de la promesse d’une descendance à Abraham à la libération d’Égypte, de l’Alliance sinaïtique à l’entrée dans la terre promise. Le don d’une terre à Israël s’accompagne d’une responsabilité nouvelle : il s’agira  d’apprendre, avec une nouvelle Loi sur cette nouvelle terre, une autre manière de former société. La gratuité et la justice devront primer comme réponse à la donation divine, et constitueront les critères de la réalisation et du respect d’une Alliance sacrée entre Dieu et son peuple. Cela se traduira notamment par l’établissement d’une confédération égalitaire des tribus avec  un accès à la terre pour toutes les familles, ou par le projet de lois sabbatiques et jubilaires faisant en sorte qu’en situation d’impasse qui menace la vie (endettement et servitude à vie, expropriation des terres ou des moyens de vivre, épuisement du sol par la surexploitation), il faudra vaincre l’idolâtrie de l’argent et de la puissance pour faire prévaloir le droit à la  vie[24]. Ces législations exprimeront une tentative collective et structurelle par Israël  d’être à la hauteur de l’Alliance et du Dieu libérateur, de tenir parole en réponse à celle de son Dieu. Le rapport au territoire et la relation à ce Dieu sont intimement liés.

Cette histoire de fidélité et d’infidélité à une Alliance s’inscrit d’abord dans le cadre juridique d’un pacte entraînant des droits et des devoirs réciproques. Il ne s’agit pas ici d’une alliance entre égaux : c’est Dieu qui l’accorde librement et qui en dicte les conditions. Progressivement, l’Alliance passera à un projet de communion, à une relation d’amour entre Israël et son Dieu, faisant appel à la fidélité comme entre un pasteur et son troupeau, un vigneron et sa vigne, un père et son fils, un époux et son épouse. Après les épreuves nationales qui résulteront des trahisons répétées d’Israël (ruine de Jérusalem, exil, dispersion), Yahvé maintiendra sa promesse et élargira même son alliance à la création entière, en y incluant « les bêtes des champs, les oiseaux du ciel et les reptiles du sol[25]». Les cœurs seront changés[26]. Une Alliance nouvelle, à la fois intérieure et universelle, fera suite à l’ancienne, par la médiation du Serviteur de Yahvé[27] auquel Jésus s’identifiera à la veille de sa Passion[28]  

Que tirer de cette rapide évocation ? D’abord que le don s’accompagne toujours d’une responsabilité. L’accueil réel du don se vérifie par l’empressement à le faire fructifier. En ce qui concerne plus précisément le don du territoire, il entraîne des exigences de justice et de solidarité, vues comme un refus  des idoles et une manifestation d’adoration en vérité de ce Dieu libérateur des victimes.
      
Ensuite, il apparaît clairement que le territoire n’est pas à considérer comme un objet de propriété. Il n’appartient à personne ni à aucun peuple enparticulier ; c’est nous qui lui «appartenons» comme les éléments constitutifs d’un tout organique. Il est donc inclusif par nature. Les humains reçoivent comme un don absolument gratuit leur accès à cette nature dont fait partie tout territoire particulier. Cette donation originelle les place tous à égalité devant la responsabilité partagée de protéger et de faire porter fruit à ce don, au service de la vie et du bien-être de tous et de toutes, dès maintenant et pour les générations futures[29]. La terre est donnée en vue d’un égal accès à ses richesses, avec un souci particulier des plus vulnérables. Les prophètes ordonnent ainsi de retourner aux plus pauvres les champs et les propriétés accumulées abusivement[30]. «À chaque période de sept ans, tu feras remise pour qu’il n’y ait pas de pauvres au milieu de toi »[31]. Le respect de ce pacte sacré entre partenaires qui tiennent parole est au fondement de l’harmonie entre les humains, entre eux et la nature, comme entre une société donnée et le territoire auquel elle est liée.


2. L’incarnation comme accomplissement de l’Alliance
 

L’inclusion de tout l’univers créé dans le projet d’Alliance universelle est confirmée dans la pratique, la prédication et le destin de Jésus. En premier lieu, son appartenance au territoire de la Galilée, avec son caractère propre, son histoire et sa culture, lui a appris la grandeur et la misère de la condition humaine et a nourri son imaginaire et sa familiarité avec les éléments de l’univers. Jésus  manifeste une grande sensibilité pour son peuple et pour sa terre. Ses paraboles invitent à lire la Parole de Dieu dans la semence, le sol, les arbres, les oiseaux du ciel, le vent et toute la nature. Il nous invite à voir la présence de Dieu dans le pain et le vin partagés, « fruits de la terre et du travail humain », signes de la vie donnée. Il se fait solidaire des appauvris dans de ce coin perdu de l’Empire romain, à l’encontre de l’élite judéenne et des autorités du Temple qui les méprisent.
           Jésus résiste cependant à une vision fermée du rapport à la terre et des prérogatives nationales. Ce sera l’une des raisons de la méfiance que lui opposeront les zélotes, par exemple, voués à la libération politique d’Israël, ou les grands prêtres, riches propriétaires terriens prompts à déposséder les paysans modestes par des impôts excessifs. Après avoir vu dans un premier temps sa mission comme étant surtout adressée aux gens de son peuple, Jésus s’est ouvert progressivement à la présence de l’Esprit à l’extérieur d’Israël, comme chez des Samaritains, des Syro-Phéniciens ou des occupants romains. Il a dès lors annoncé la venue d’un «Royaume» offert à tous et toutes, sans considération de statut social, de race, de frontière ou de religion, comme modèle et symbole d’une nouvelle manière de faire société.
           Jésus retient de l’expérience d’Israël les exigences d’un nouveau rapport à la terre, mais en radicalisant les termes de l’Alliance. Pour lui, le territoire est pour son peuple la médiation du Règne de Dieu et le lieu concret de son accueil. Même si la terre promise pointe vers une réalité jamais pleinement atteinte, s’en approcher et y entrer est lié à l’accueil de sa mission prophétique au sein du peuple : libérer les prisonniers, ouvrir les yeux des aveugles et faire marcher les estropiés. Car porter atteinte à la dignité des plus humbles, leur faire violence ou les ignorer, constitue une rupture de l’Alliance, tandis que le service concret des oubliés, à commencer par leurs besoins élémentaires, permet déjà d’entrer dans la famille des bénis de son Père[1]. Aimer comme il nous a aimés, voilà comment Jésus nous invite à refaire Alliance, et ainsi à tenir parole en réponse à la fidélité de Dieu. Il « revisite » ainsi l’antique expérience de l’Alliance, tout en lui gardant sa signification la plus profonde. Il ne s’agit plus simplement de préserver un lien de confiance privilégié par l’observance de prescriptions précises, mais de répondre à l’amour d’un Père, ardent jusqu’à l’extrême, qui se révélera dans l’abaissement de son Serviteur jusqu’à son exécution sur une croix, puis dans sa résurrection. La fidélité de Dieu envers Israël trouvera ainsi son ultime révélation et réalisation.
           L’implication de Yahvé avec un peuple dans son histoire particulière avait déjà quelque chose de radicalement neuf comme expérience religieuse de l’humanité. En Jésus, cette nouveauté atteint à la limite du scandale pour les esprits du temps et jusqu’à maintenant : ce Dieu se montre désireux de faire participer les humains à sa propre vie en prenant chair parmi eux dans un Nazaréen de l’obscure Galilée, ami des pauvres et des exclus, et finalement rejeté et crucifié comme un traître. Cet homme qui voulait ainsi manifester à quel point son Père tenait à se lier à nous se trouvait associé à une infidélité, comme s’il avait désavoué la longue tradition de l’Alliance entre Dieu et son peuple. La véracité du témoignage de Jésus trouvera pourtant sa confirmation dans la résurrection, ce qui relancera l’espérance de ceux et celles qui avaient osé croire en lui.
3. Une Alliance porteuse d’espérance
En Jésus crucifié et ressuscité, Dieu manifeste pleinement son vrai visage comme allié des victimes de la violence et de l’injustice. En son Fils qui donne librement sa vie par fidélité à sa mission, l’humanité arrive à répondre à cet excès de l’amour divin, elle tient enfin parole elle aussi. Cet acte fondateur de Jésus produira rapidement du fruit parmi ses premiers disciples, notamment dans une nouvelle manière de faire communauté : partage des biens en solidarité avec les plus pauvres, accueil de l’étranger, bannissement de l’esclavage, non violence, résistance à l’Empire jusqu’au  martyre… Par la suite, malgré de fréquents et parfois scandaleux reculs historiques, la semence continuera de porter du fruit dans le témoignage de ceux et celles qui accueilleront la parole de Jésus et la mettront en pratique.

           Ce Jésus est identifié par le Nouveau Testament au Verbe en qui Dieu a créé le monde. Sa résurrection a une fécondité universelle, à la fois pour l’humanité et pour la création. Elle accomplit la promesse d’une nouvelle alliance qui change le cœur des humains et leur donne l’Esprit de Dieu[2], qui atteint toutes les nations en brisant les murs de la division, en établissant la paix entre «ceux qui étaient loin et ceux qui étaient proches»[3], et en réconciliant tout « sur la terre et dans les cieux »[4]. Comme l’humanité, la création est appelée à la réconciliation, au salut, à la rédemption[5]. Le même Esprit qui a animé Jésus et l’a fait Seigneur et Christ est présent dans la création, comme ferment de rassemblement des humains dispersés et d’achèvement d’une nature malmenée.

           Nous sommes accompagnés par cet Esprit «qui planait sur les eaux» au début du monde et qui continue de «renouveler la face de la terre». Grâce à cette espérance, l’utopie de raviver le lien social entre nous tout comme notre communion à la nature ne se confine pas à un rêve chimérique. Elle constitue un objectif sociopolitique atteignable. Dans la foi, cette confiance s’appuie sur la présence agissante du Verbe dans l’ensemble de la création : présence christique marquée par le désir d’une réconciliation universelle.

           À travers des initiatives de toutes sortes, une prise de conscience se répand effectivement, une nécessaire transformation culturelle commence à s’opérer, de nouvelles valeurs sociales prennent racine. Des solidarités se tissent, du lien social se forme en même temps qu’une réconciliation avec les sources mêmes de la vie sur terre. À cause de cette histoire de Parole tenue et d’Alliance maintenue à travers les méandres de l’histoire, des premiers patriarches à Jésus de Nazareth, nous pouvons espérer que le monde tienne en Celui qui le soutient. Qu’on se rappelle les discussions entre Dieu et Abraham à propos du nombre de «justes» suffisant pour que la terre ne soit pas détruite. Il faut que quelques-uns, quelque part, témoignent de cette espérance.

           Il est possible et nécessaire de voir et de faire autrement, à l’inverse de pratiques idolâtriques comme le culte du profit, du pouvoir et de la démesure, destructeur du lien social et de notre rapport au territoire. La perspective d’une Alliance toujours à refaire à la fois entre nous, avec la création et avec Celui qui la confie à notre responsabilité, ouvre l’avenir au lieu de le bloquer dans la récurrence des mêmes ravages.
4. Quelques pistes d’orientation
En quoi cette spiritualité biblique de l’Alliance peut-elle orienter notre rapport à la nature et au territoire ? Une prochaine réflexion  portera sur cette question, mais on peut déjà évoquer différentes pistes possibles.
-        Notre rapport au territoire et aux humains qui s’y rassemblent devrait éviter toute posture d’exclusion, de repli défensif ou d’appropriation arrogante, et conduire à la reconnaissance effective du droit des pauvres à la terre[6]. Écologie et solidarité sociale vont de pair, comme en témoignent les mouvements contemporains de l’éco-justice, de l’éco-socialisme et de l’éco-féminisme. Dans cette perspective, la conception du territoire comme occasion de simple enrichissement et de croissance économique illimitée demande à être critiquée. Nos débats sur une utilisation optimale des ressources naturelles gagneraient à intégrer plus clairement le principe de la destination universelle des biens et de la solidarité avec les plus vulnérables.

-         Comme expression de fidélité au Dieu de l’Alliance, qui inclut la création dans son projet de réconciliation universelle, un tel engagement procède d’abord d’un respect et d’un amour profond de la nature. « Toute personne de bon sens perçoit que, si importantes que soient les solutions techniques et scientifiques, si nous ne créons pas une culture d’amour dans la relation de l’être humain avec la terre, l’eau et tous les êtres vivants, nous ne réussirons pas à surmonter la crise écologique grave qui atteint de nos jours la planète Terre »[7]. Apprendre à voir la terre comme l’espace ou Dieu se manifeste, à discerner l’agir de l’Esprit et à  entendre la Parole dans la création, peut nourrir ce respect et cet amour.

-        Par-delà la protection de la nappe phréatique ou des paysages patrimoniaux, par exemple, ne serait-ce pas l’avenir de l’humain comme tel que nous sentons menacé par le mépris ou la violence envers le territoire ? Si cela nous fait si mal, n’y aurait-il pas là un indice que c’est notre intégrité humaine qui est en cause ? En se dissociant de la nature, les humains de la modernité technoscientifique risquent de perdre contact avec eux-mêmes en s’aliénant des sources de la vie. Dans une perspective humaniste ou spirituelle, renouer intérieurement avec la nature et le territoire peut aider à  revenir au lieu originaire de l’être, celui de la source créatrice présente dans l’univers ou celui d’une filiation divine d’abord révélée en Jésus. Il y a là une illustration contemporaine d’un besoin de salut commun à la création et à l’humanité. Cette conscience d’un même enracinement à l’origine de tout ce qui vit peut constituer un chemin pour refaire alliance avec l’autre, quelles que soient les différences qui peuvent parfois nous étonner ou nous indisposer, dans la conscience de notre commune humanité. On peut voir là  un acte de fidélité à l’Alliance où se joignent les dimensions éthique, politique et cosmique d’une réconciliation universelle.

           La théologienne américaine Ilia Delio résume magnifiquement cette perspective dans le passage suivant : « Une vie saine pour un cosmos sain exige la réceptivité, l’ouverture, et un amour de compassion qui traverse les frontières des différences et qui accepte l’autre comme une partie de soi, puisqu’ensemble nous sommes un dans le corps cosmique du Christ ».

Par quels chemins… ?

Dans un quatrième texte à venir, nous examinerons de plus près quelques implications concrètes d’une telle vision théologique. Entre celle-ci et les responsabilités propres de la Cité ou des Églises, il y a évidemment un espace à franchir… Parmi les enjeux à examiner, on peut penser à l’urgence d’une conscientisation capable de susciter une mobilisation politiquement efficace. Même si nous devenons plus sensibles au fait que nous ne pouvons nous développer comme société humaine dans l’oubli du milieu dont nous faisons partie, les mentalités demeurent largement réfractaires aux changements culturels et sociaux qui devraient s’ensuivre. Comment changer collectivement de regard et adopter de nouvelles pratiques afin de marcher résolument vers cette Terre à transformer en grand jardin communautaire selon l’antique promesse


[1]  Matthieu 25.
[2]  Romains 5,5; 8, 4-16.
[3]  Éphésiens 2, 11-17.
[4]  Colossiens 1, 20.
[5]  Romains 8, 18-21.
[6]  Michée 2, 15; Isaïe 5, 8-10; Matthieu 5,4.
[7]  Marcelo Barros.
Le Groupe de théologie contextuelle québécoise
Michel Beaudin, Céline Beaulieu, Ariane Collin, Guy Côté,  Claire Doran, Lise Lebrun et Richard Renshaw
Juin 2014

  
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Ce document fait suite à deux premiers textes disponibles sur notre blogue : www.gtcq.blogspot.com
Pour nous contacter, communiquez avec Lise Lebrun à : lebrun_lise@videotron.ca


[1] C’est à cet aspect précis du rapport dominant au territoire et de sa vision que nous nous attarderons d’abord  ici. Pour une description plus élaborée de la logique de ce rapport et de son mode opératoire, voir la section 3 («La logique du territoire comme ressource», p. 5-7) de notre texte nº 2 mentionné plus haut.
[2] « Notre avenir : notre choix », message de David Suzuki envoyé par courriel le 5 décembre 2013 à l’occasion d’une campagne de financement de sa fondation.
[3] Voir, par exemple, Aurélien Bernier et Michel Marchand, Ne soyons pas des écologistes benêts. Pour un protectionnisme écologique et social,  Paris, Éditions Mille et une nuits, 2010, p. 10; ou encore : Peter G. Brown et Geoffrey Garver, Right Relationship. Building a Whole Earth Economy, San Francisco, Berrett-Koehler Publishers, 2009, p. vii.
[4] René Passet, «De l’Univers magique au tourbillon créateur», Le Monde diplomatique, octobre 2010, p. 27.
[5] Peter G. Brown et Geoffrey Garver, Op. cit., p. 1-17.
[6] «En moins de 300 ans, nous avons consommé 300 millions d’années d’énergie solaire accumulée dans les stocks de combustibles fossiles» (Feuillet de présentation de la Conférence internationale sur la décroissance dans les Amériques, Montréal, 14-20 mai 2012).
[7] Ibid.
[8] La vie n’est possible que dans et sur une mince partie de la croute terrestre et son espace aérien immédiat.
[9] Ibid.
[10] Y compris celui de la pauvreté et de l’exclusion ou, dans les termes de l’image employée ci-dessus, le problème d’un vaisseau spatial à deux étages.
[11] A. Shields, «Climat : catastrophe à l’horizon», Le Devoir, 5-6 avril 2014). Mais le climat n’est qu’un volet de la crise écologique. Et même si le GIEC se trompait dans ses pronostics, d’autres volets, dus aussi à une économie productiviste qui s’est emballée et mondialisée depuis trente ans, sont des phénomènes avérés : épuisement des énergies fossiles et d’autres ressources non renouvelables, émission massive de polluants dans le sol et l’eau, en plus de l’air, destruction de la biodiversité, etc. (A. Bernier, M. Marchand, Op. cit., p. 9-10).
[12] Cité par Leonardo Boff, «Hoy revolucion significa echar el freno de emergencia», page de L. Boff dans Koinonia, 19 janvier 2014. Version française dans Ça roule au CAPMO, année 14, Nº 6, février 2014, p. 6-7.
[13] Line Resource, une entreprise dont les activités sont concentrées au Canada profite du fait qu’elle soit enregistrée au Delaware (paradis fiscal) pour poursuivre le gouvernement canadien,  en vertu du chapitre 11 de l’ALÉNA, pour le moratoire du Québec sur le gaz de schiste. Elle réclame 250 millions $. (Fannie Olivier, «Dommages réclamés pour le moratoire du Québec sur le gaz de schiste», La Presse, 3 octobre 2013) 
[14] Cf. Alain RENAUT, L’ère de l’individu [Bibliothèque des Idées], Paris, Gallimard, 1989, pp. 105ss.
[15] Pour reprendre l’image de N. Wiebe (Via campesina), dans un tel modèle, le marché n’est plus une place au centre du village, mais c’est tout le village qui n’est devenu que marché.
[16] Voir F. Dermange, Le Dieu du Marché. Éthique, économie et théologie dans l’œuvre d’Adam Smith, Genève, Labor et Fides, 2003.
[17] Cité par François Normand, «Et le bien commun?», Le Devoir, 30 novembre 1999. Définition lancée au moment où les pays de l’OCDE amorçaient, à Paris, des négociations secrètes sur l’Accord multilatéral sur les investissements (AMI).

[18] Genèse 1,28.
[19] Paul Chamberland.
[20] Citation d’un personnage de la trilogie du cinéaste Pierre Perreault sur l’Île-aux-Coudres.
[21] Ce sera l’une des questions qu’on pourra aborder dans le cadre d’un prochain texte sur les implications pratiques de nos analyses.
[22] Au sens français du terme, comme dans « vin de pays ».
[23] Expression empruntée à D. BOURG et P. ROCH (dir.), Crise écologique, crise des valeurs? Défis pour
 l’anthropologie et la spiritualité, Labor et Fides, 2010, p. 206.
[24]  On peut voir ici comment les modes de rapport social privilégiés, tels celui d’une domination des pouvoirs ou celui d’une interdépendance solidaire, ont des conséquences sur le sort réservé au territoire.
[25]  Osée 2, 20-24.
[26]  Jérémie 31, 33s ; Ézéchiel 36, 26s.
[27]  Isaïe 42,6; 49,6ss.
[28]  Marc 14, 24; Luc 22,20, en écho à Isaïe 53,10.
[29]  Genèse 22, 18
[30]  Michée 2,1-5 ; Néhémie 5,3-5.7-11 ; Proverbes 15,25 ; Isaïe 5,8-10.
[31]  Deutéronome 15,1.4.
[32]  Matthieu 25.
[33]  Romains 5,5; 8, 4-16.
[34]  Éphésiens 2, 11-17.
[35]  Colossiens 1, 20.
[36]  Romains 8, 18-21.
[37]  Michée 2, 15; Isaïe 5, 8-10; Matthieu 5,4.
[38]  Marcelo Barros.
 


       

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