11 décembre 2012

Déclaration regardant Développement et paix

Le Groupe de théologie contextuelle du Québec a envoyé un texte à tous les membres du conseil national de Développement et paux avant leur dernière réunion (Décembre 2012). Vous pouvez recevoir une copie ici.

16 novembre 2012

Abdiquer ou résister ?


Développement et Paix a-t-il définitivement perdu son âme ? Faut-il abdiquer ou résister ? Révoltés, des amis et membres de longue date choisissent de se retirer publiquement. On peut les comprendre. Des piliers de l’organisation démissionnent : leur situation était devenue insoutenable à l’interne. Cela signifierait-il que les efforts déployés à la base pour organiser la résistance seraient vains ? Comme Groupe de théologie contextuelle québécoise (GTCQ) qui réfléchit et s’engage depuis 1985 à propos des enjeux de la société et de l’Église d’ici, de même que comme amis et amies de Développement et Paix, nous croyons au contraire qu’il faut appuyer cette résistance et y mettre tous les efforts, par conviction politique et théologique.

 La crise que subit Développement et Paix depuis quelque temps a d’abord été difficile à saisir, particulièrement en raison du manque de transparence manifesté par ses principaux acteurs : la Conférence des évêques catholiques du Canada et la direction de l’Organisme sous les pressions des évêques. Le plus récent épisode de cette crise est l’annulation de l’essentiel de la campagne d’automne 2012. Celle-ci, tout comme les campagnes du même type depuis 1977, avait un objectif de conscientisation et visait à proposer une action précise concernant les causes structurelles d’une injustice spécifique. L’intervention des évêques a révélé plus clairement quelques-uns des ressorts de cette  crise qui n’en finit pas et qui désespère tant les catholiques du pays que maints partenaires de Développement et Paix au Canada et dans les pays du Sud.

 Il apparaît de plus en plus clairement que le facteur décisif réside dans un coup de force perpétré par une minorité d’évêques de la CÉCC dans la foulée des attaques menées par l’agence LifeSiteNews contre Développement et Paix en 2009 puis de nouveau en 2011. Nous déplorons le chantage et l’intimidation auxquels on a eu recours depuis lors pour imposer à Développement et Paix des décisions inspirées d’une conception rétrograde de l’Église et de sa mission, avec la tentative d’entraîner toute la CÉCC dans ce sillage. Nous n’y reconnaissons plus la plupart de nos évêques. La vision qui nous paraît sous-tendre ce revirement est celle qui prévaut actuellement au Vatican, qui a été imposée à  l’organisation Caritas internationalis et le sera peut-être bientôt à la CIDSE (Coopération internationale pour le développement et la solidarité), deux regroupements d’ONG catholiques auxquels  Développement et Paix est affilié.

 Deux reculs destructeurs

 Les deux principaux éléments de cette vision qui sont en cause dans le fiasco qui nous afflige sont à notre avis les suivants : l’interdiction faite à Développement et Paix de contester les pouvoirs politiques, et la mise sous tutelle de facto, par la hiérarchie cléricale, d’un organisme confié à la responsabilité des laïcs par ses statuts officiels.

 Dans un communiqué récent, le président de la CÉCC, Mgr. R. Smith, et le président du Conseil national de Développement et Paix, monsieur R. Breau, affirmaient conjointement que leur décision était fondée sur le souci de préserver l’unité. Nous nous trouvons en réalité devant deux dérives qui menacent l’avenir et l’unité de l’Église bien davantage que la campagne d’automne initialement planifiée par Développement et Paix. En effet, celle-ci visait simplement à faire examiner en comité parlementaire les orientations actuelles du gouvernement Harper en matière d’aide publique au développement. Qu’y a-t-il là de plus menaçant pour l’unité cette fois-ci que lors des campagnes précédentes de conscientisation et d’éducation menées par Développement et Paix ?

 La première de ces dérives équivaut à dissocier l’espérance annoncée par Jésus de toute transformation effective des structures sociales et politiques génératrices d’injustice, d’exclusion et de violation des droits humains. On en revient ainsi à une conception de l’Église située en marge ou en surplomb de la société, ou encore en collusion avec les pouvoirs en place, plutôt que comme solidaire de ce monde au sein duquel le concile Vatican II la présentait comme «servante et pauvre», toute tendue vers le Royaume et engagée à soutenir prophétiquement les aspirations des peuples à la justice et à la paix.

 La seconde s’inscrit  dans la volonté romaine de réaffirmer la suprématie de l’institution cléricale devant la menace appréhendée d’une autonomisation croissante du laïcat. Ce durcissement est en contradiction flagrante avec la théologie de l’Église comme peuple de Dieu, telle que réaffirmée par Vatican II. Il ne peut que faire se replier l’Église sur ses intérêts internes, démobiliser les laïcs alors qu’on les appelle à l’engagement, décourager des efforts de renouvellement et de créativité pourtant si urgents, et marginaliser encore davantage une institution en voie de discréditation.

 Rien là de cohérent avec les objectifs déclarés de la Nouvelle évangélisation. Rien non plus pour redonner espoir aux nombreux catholiques qui sont ébranlés dans leur affiliation ecclésiale par toutes sortes de scandales et de décisions désolantes. Au contraire, l’intervention récente de la CÉCC à l’encontre de Développement et Paix ne fait que blesser davantage la confiance dans les autorités pastorales de l’Église en créant confusion, déception et colère, y compris parmi des membres du clergé et même de l’épiscopat. L’unité au nom de laquelle on a voulu justifier cette intervention est-elle ainsi mieux servie ?

 Appel aux Conseils diocésains

 Devant pareil détournement de mission, la résistance s’impose. D’où peut-elle venir ? Malgré les embûches, elle s’organise déjà dans le réseau des militants et des instances internes. À notre avis, le pivot central de cette résistance se trouve au Conseil national de Développement et Paix. Il est urgent qu’il se ressaisisse et réaffirme à la fois son autonomie devant tout abus de pouvoir et sa détermination à respecter les orientations fondamentales de l’Organisation, à commencer par sa mission d’éducation et de plaidoyer. Il se doit notamment de ne pas céder à quelque pression d’ordre politique ou financier que ce soit. Mieux vaudrait un organisme aux moyens réduits mais fidèle à sa mission qu’une apparence de continuité dans la trahison ou l’affadissement.

 Pour relever ce défi, Il faudra d’abord s’assurer de choisir comme membres du Conseil et de son exécutif des personnes convaincues de l’urgence de ce redressement autant que de la poursuite de la mission intégrale de l’Organisme. Nous encourageons les conseils diocésains et les équipes locales à favoriser toute mesure en ce sens de même qu’à se lever et à exercer les pressions nécessaires. Soyez assurés que vous nous trouverez nombreux à vos côtés.

Le Groupe de théologie contextuelle québécoise
 
  Michel Beaudin, Céline Beaulieu, Guy Côté,
Lise Lebrun, Richard Renshaw

 

4 juin 2012

Du mépris au respect


     « 100 jours de grève, 100 jours de mépris ».  La bannière qui portait cette inscription à la marche du 22 mai résume le nœud du problème. La semence du mépris risque d’entraîner des dommages plus importants que toute hausse ou gel des frais de scolarité. Traiter les jeunes comme des agitateurs puérils et irresponsables équivaut à saper la base même du lien social : le respect mutuel. C’est la qualité humaine de notre société qui est ici en cause.
    Une génération se sent flouée. Un gouvernement se défend en répondant par la bouche de ses accommodements partiels, mais fait la sourde oreille sur le fond du problème. Des ministres sont envoyées au front par un chef manifestement dépassé. Elles ne réussissent qu’à créer l’illusion d’une négociation. Des démagogues jouent ensuite de la statistique en faisant semblant d’ignorer que les verts comme les rouges s’insurgent contre la loi spéciale. Devant une telle mascarade, la rue proteste contre le mépris et réclame le respect. Le premier ministre ne trouve d’autre réplique que le recours à la force policière. Peine perdue ! Ni l’escalade des arrestations ni une pluie d’amendes ne pourront faire reculer l’affirmation de dignité qui s’exprime à travers les grandes manifestations étudiantes. Et toute tentative de négociation achoppera sur la méfiance qu’un durcissement de la répression ne pourrait que nourrir.
    Quoi faire ? Commencer par un geste fort de reconnaissance et de respect, pour rétablir la confiance et rendre possible une véritable négociation de bonne foi dans l’ouverture au compromis de part et d’autre. Ce geste pourrait être la suspension temporaire de la loi 78 et de l’augmentation des frais de scolarité. Un tel geste de bonne volonté devrait inciter les associations à faire un appel au calme, afin de mettre fin rapidement aux débordements, de ramener la paix sur la rue et de laisser les pourparlers se dérouler dans la sérénité. Il ne ferait perdre la face à personne et favoriserait l’atteinte d’une décision juste et socialement acceptable.

Le Groupe de théologie contextuelle québécoise,

par Michel Beaudin, Céline Beaulieu, Guy Côté, Lise Lebrun et Richard Renshaw,

Montréal, 24 mai 2012

15 mars 2012

Le territoire et nous

     Le groupe de théologie contextuelle québécoise (GTCQ) est formé de personnes oeuvrant en intervention communautaire ainsi qu’en théologie.  Depuis une trentaine d’années,  notre groupe réfléchit sur la réalité de l’injustice sociale au Québec et s’efforce périodiquement  de proposer des pistes d’analyse et d’action. La présente réflexion sur la question du territoire se veut en continuité avec celle qui a été entreprise par le Réseau œcuménique Justice et Paix lors de son assemblée générale de 2011. Elle propose une mise en contexte des éléments que nous comptons aborder dans quelques  textes à venir. Dans un premier temps, nous soulignerons ici comment l’actualité concernant l’exploitation des ressources naturelles nous conduit à des interrogations inattendues sur notre lien au territoire et sur les responsabilités qu’il implique.
Historiquement, l’activité minière a eu tendance à s’exercer loin des régions densément peuplées. Les ravages causés par les mines passaient donc inaperçus, sauf pour ceux qui venaient y travailler. Maintenant que cette industrie a pratiquement épuisé à travers le monde les sources de minerai et d’énergie qui étaient aisément accessibles, elle se montre beaucoup plus audacieuse. Des mines sont maintenant exploitées dans des zones à l’environnement  fragile ou encore sur des terres agricoles, à proximité de lieux résidentiels ou même en plein territoire urbain, et, si incroyable que cela paraisse, jusque sous la mer. Que ce soit pour le territoire revendiqué en vue de l’exploitation du gaz de schiste ou pour celui qui est projeté pour le Plan Nord, une grande partie du Québec est  devenue une cible pour l’industrie extractive.
La conjoncture exacerbe la situation. Ainsi, au plan économique, la raréfaction des ressources minières, une demande sans précédent de celles-ci par les pays émergents en plein boom industriel, la recherche éperdue par les pays riches eux-mêmes d’une relance de leur propre croissance, de même que l’endettement et les déficits budgétaires des États, se combinent pour pousser à la hausse pour plusieurs années le prix des métaux. Il en résulte la présente ruée vers ce nouveau Klondike.
Par ailleurs, au moment même où l’on prend de plus en plus conscience de toutes les mesures historiques qui ont pu contribuer à compromettre le lien des Premières Nations à leurs territoires, voilà que la conjoncture économique joue à nouveau contre celles-ci. Les terres où elles ont été refoulées («réserves») de même que les territoires qu’elles sillonnent depuis toujours se trouvent convoités par le boom minier. À nouveau, les arrivants tardifs du Sud se voient tentés de considérer ces territoires comme «vides» et d’y ignorer tant les Autochtones qui y vivent que le caractère public d’une grande partie de ces espaces, pour s’accaparer sans vergogne des richesses qu’ils recèlent. Ce serait compter sans la résistance des Autochtones et de leurs alliés ainsi que de l’ensemble de la collectivité québécoise.
C’est dans ce contexte que les compagnies minières se présentent comme des sauveurs économiques; elles déclarent développer l’économie québécoise en apportant de la richesse et des emplois qui profiteront à tout le monde; elles minimisent cependant les risques pour l’environnement tout en nous assurant qu’elles feront tout ce qu’il faut pour répondre aux besoins de ceux qui pourraient  subir quelque inconvénient causé par les installations minières.
Et pourtant, la mine d’or à ciel ouvert de Malartic est installée sur des terrains qui se trouvent dans la ville même et donc déjà construits. L’industrie du gaz de schiste a déjà ciblé le territoire agricole le plus fertile du Québec. Le projet de mine de niobium Niocan est situé sur des terres agricoles de première qualité près d’Oka. Il ne s’agit pas là de mines traditionnelles, avec des tunnels creusés sous la terre.  Les mines d’or et de niobium ouvrent en surface d’énormes cratères qui peuvent mesurer plus d’un kilomètre de long. Un puits de gaz de schiste peut s’étendre, avec le temps, sur un rayon d’un kilomètre à partir de son point de forage.
L’histoire démontre abondamment que nombre de sociétés ont vu s’améliorer leur qualité de vie grâce à l’activité minière. Mais il est évident, aussi, qu’il s’agit d’une industrie polluante et que, dans les années récentes, elle est devenue carrément menaçante en raison de la mise en place de méga-projets. Alors que l’activité minière peut être très rentable, les profits sont presque entièrement accaparés par  les directeurs et par les principaux actionnaires des compagnies. En ce qui concerne les  communautés locales, mis à part quelques «projets» de services minimaux pris en charge par les compagnies, elles se retrouvent souvent encore plus pauvres. Lorsque des compagnies font miroiter aux populations locales des promesses de boom économique, les gens se laissent parfois prendre par l’espoir d’avoir plus d’argent dans leur porte-monnaie. Toutefois, on peut s’interroger sur ce qu’on entend par «bien vivre» dans un environnement minier. Ce «bien vivre» n’a-t-il pas à voir avec la qualité de vie pour nous-mêmes, pour notre société et pour les générations futures? Dans nos efforts pour mieux vivre, la société comme les citoyennes et les citoyens individuels cherchent un moyen terme ou un compromis qui leur permettrait à la fois de bénéficier de ce que la terre peut offrir et de ne pas causer à celle-ci des torts irréparables.
Une bonne partie de la population du Québec est vivement préoccupée à propos des tendances actuelles dans l’industrie d’extraction chez nous. « Trou Story », le dernier documentaire de Richard Desjardins, témoigne de façon éloquente de ces préoccupations.[1]
Les gens qui vivent près des mines se plaignent de perdre leur maison ou leur qualité de vie, d’être soumis aux grondements des dynamitages et à ceux des énormes camions qui défoncent les routes. Dans le cas de l’exploitation des  gaz de schiste, les résidents redoutent notamment la contamination de la nappe phréatique, de leur eau potable et de leurs systèmes d’irrigation. Cette industrie utilise quotidiennement des centaines de milliers, sinon des millions, de litres d’eau. Les gens craignent pour la santé dans leurs communautés locales.
Les Québécois et les Québécoises ont toujours pensé qu’ils avaient les pleins droits sur leur propriété individuelle, que celle-ci était inviolable.  Mais leur surprise a été brutale ces dernières années. Selon une tradition britannique, les détenteurs d’une propriété n’ont des droits que sur la surface de celle-ci; le sous-sol demeure la propriété du gouvernement. C’est le cas pour le Québec, pour le Canada et pour la majorité des pays du monde. Un gouvernement peut céder des droits miniers à quiconque en fait la demande. Dans le cas du Québec, on peut faire cela par un simple clic sur Internet, et cela pour un coût minime de dix cents par hectare. Des profits énormes peuvent être réalisés dans cette industrie reconnue pour  son approche où «les loups se mangent entre eux».  Une fois qu’une demande (claim) a été acceptée par le gouvernement, la compagnie peut alors approcher les propriétaires locaux pour négocier «un accès de surface». Quand des propriétaires résistent, des compagnies ont parfois recours à l’intimidation ou font exproprier leur terrain au nom du «plus grand intérêt économique» de la société.
Ces procédures ne font pas que heurter des intérêts individuels ou provoquer le syndrome du «pas dans ma cour».  La population du Québec ressent un profond attachement collectif au territoire qui l’a nourrie. Elle y reconnaît les traces de son histoire et un puissant facteur d’identité collective.  Autant elle apprécie les emplois possibles, autant elle répugne à le laisser défigurer ou à voir ses communautés se faire diviser ou même déraciner.
                        Les Premières Nations sont également touchées et préoccupées par l’orientation que prend l’industrie minière au Québec. Et cela ne date pas d’hier. Depuis l’arrivée des Européens, qui y voyaient une «contrée vide» et qui se mirent en frais de se «l’approprier», les peuples autochtones sont restés stupéfaits de ce dont ils ont été témoins. Ces peuples se voient, en effet,  en profonde relation d’interdépendance avec le territoire et réfèrent à celui-ci comme à la «Terre-Mère». Qui ne voudrait pas protéger sa mère?[2] Ainsi, les peuples autochtones se considèrent eux-mêmes comme les protecteurs du territoire qu’ils ont habité depuis des millénaires et sur lequel ils ont acquis le droit d’exercer cette protection.
Dans cette perspective, la communauté de Kanesatake s’inquiète de l’éventuelle installation d’une mine à ciel ouvert de niobium, près de la riche zone agricole qui avoisine le lac des Deux-Montagnes. Les fermiers locaux partagent la même préoccupation. Le peuple des Cris a également tiré la sonnette d’alarme concernant la direction prise par le Plan Nord, et les Innus, quant à eux,  reprochent au gouvernement de ne pas les avoir fait participer aux consultations.
Le droit international est aussi devenu un facteur important dans la controverse. Le Canada a finalement signé, le 12 novembre 2011, la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des peuples autochtones. Celle-ci exige, en principe[3],  le consentement libre, préalable et éclairé des communautés autochtones avant que les industries minières puissent s’installer sur leurs terres. De plus, une norme similaire de la Convention 169 de l’Organisation internationale du travail est de plus en plus interprétée au Québec comme une exigence qui ne se limite pas aux seules communautés autochtones.
                        Où cela nous mènera-t-il? Peut-être à une meilleure appréciation que notre «droit au territoire» n’est pas absolu mais conditionnel à la protection qu’on lui accorde. Pourquoi la population entière du Québec ne  revendiquerait-elle pas elle aussi que son rapport historique au territoire lui ait octroyé la responsabilité de le protéger? De même, la nouvelle donne ne nous indique-telle pas que l’enjeu n’est pas de lutter les uns contre les autres, mais plutôt de former un partenariat à trois : la population du Québec, les Premières Nations, et la terre elle-même dans toute sa diversité?
                        Pour notre part, refusant de laisser au seul rapport de force, d’ailleurs le plus souvent inégal, le soin de décider de l’issue des conflits, nous nous proposons une double tâche, dans nos prochains textes,  pour contribuer à un discernement collectif plus sain.
Tout d’abord, après avoir pris acte des positions qui s’affrontent et les avoir caractérisées, nous chercherons à en débusquer les ressorts méconnus, à expliciter les visions du monde où elles s’ancrent, aux plans anthropologique, culturel et éthique, par exemple.  Nous serons ainsi amenés à réfléchir au rôle joué par la propriété privée et par la propriété collective dans notre tradition occidentale, et plus particulièrement aux façons dont notre humanité elle-même est affectée par le type de rapport que nous entretenons avec ces parcelles de la planète que nous considérons comme notre territoire et qui définit, en quelque sorte, notre relation à la Terre elle-même.  Il sera également important de retracer l’histoire de la notion de protection de la Terre, un concept qui est devenu central pour le mouvement écologique depuis quelques décennies.
En second lieu, nous tenterons de mettre en évidence quelques éléments d’une évaluation théologique et éthique de ces positions et visions, puis d’en tirer des implications politiques, c’est-à-dire de discerner comment le rôle de l’instance publique, ou de l’État, est interpellé par la crise du rapport au territoire et appelé à être redéfini par un Nous responsable et visionnaire.

       LE GROUPE DE THÉOLOGIE CONTEXTUELLE QUÉBÉCOISE[4]
                                                                                                            15 mars 2012
 

[2] «Qu’ils aient été ici depuis 4 000 ans ou 400, les Autochtones et les non-Autochtones ont développé un sentiment d’appartenance au territoire.» (Christos Sirros, Ministre québécois des Affaires autochtones (indiennes), lors d’une audience à Montréal à la Quatrième ronde de la Commission royale sur les peuples autochtones, en1993, cité dans Commission royale sur les peuples autochtones, Vers la réconciliation : Vue d’ensemble de la Quatrième ronde,  Groupe Communication Canada, Ottawa, 1994, p. 34.
[3] La signature d’une telle Déclaration ne comporte en tant que telle  aucune obligation juridique. De plus, son endossement par le Canada a été fait «avec qualifications», ce qui équivaut à faire prévaloir les dispositions de la Constitution, des lois et des politiques actuelles du pays sur celles de la Déclaration. Ce qui inclut la Loi sur les Indiens et l’ensemble de la politique sur les traités. En plus, cette signature n’implique aucune contrainte de calendrier ou autre pour la mise en application des standards indiqués dans la Déclaration.  Les Premières Nations ainsi que les Églises canadiennes sont fort préoccupées par cette absence de contrainte. C’est pour cette raison que la Coalition inter-Églises Kairos, en collaboration avec les Premières Nations, mène actuellement  une campagne pancanadienne pour que l’ONU mette en place une convention sur les droits des autochtones. Celle-ci marquerait un autre niveau d’obligation. S’il y avait une convention à cet égard et si Canada la ratifiait, le gouvernement serait obligé par la loi internationale de la respecter par delà notre propre Constitution,  nos lois et toute norme administrative actuelles.  Sinon, le Canada pourrait faire l’objet de sanctions.

[4] Michel Beaudin, Céline Beaulieu, Guy Côté, Lise Lebrun, Richard Renshaw, Eliana Carmen Sotomayor, Jacques Tobin.

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